La pandémie du coronavirus a certainement chamboulé nos habitudes de vie et notre façon de voir nos rapports aux autres et au monde. Le changement de paradigme est trop important pour ne pas le remarquer. Ce chamboule-tout a permis de mettre en lumière l’apport d’un bon nombre de métiers à nos vies. Nous savions déjà que le personnel du milieu de la santé était essentiel, même si les années de politiques d’austérité auront diminué ses capacités à jouer son rôle convenablement. Cependant, nous voyons aussi des emplois être appréciés, enfin, à la hauteur de leur importance. Plus que jamais, le personnel des épiceries, des pharmacies, des services de livraison et plus encore est à l’avant-scène dans nos vies.
Tout comme ces travailleurs et travailleuses, le personnel des Auberges du cœur œuvre dans un secteur essentiel à la population, particulièrement pour ces jeunes à risque d’itinérance qui y vivent et leur famille. Comme les autres secteurs d’activité, les intervenants et intervenantes vont travailler malgré la peur dans les tripes. Peur de contracter le virus, de le transmettre aux jeunes ou à leurs proches. Peur car le confinement exacerbe les enjeux de consommation et de santé mentale chez les jeunes qui n’ont plus accès à leur groupe d’entraide, à leur thérapeute ou à leurs activités permettant de mieux les gérer. Parfois même peur pour leur sécurité si ça dérape dans la maison, sachant que le nombre d’employé.e.s n’augmente pas, alors que les mesures à respecter ont explosé. Ils et elles maintiennent leur mission sachant que pour quelques jeunes, « l’Auberge est tout ce qui leur reste ». Puis, comme l’itinérance jeunesse obtient très peu de reconnaissance lorsqu’il est question de lui attribuer des budgets, leurs conditions salariales frôlent le seuil du revenu viable, lorsqu’elles ne sont pas carrément en dessous.
Les travailleurs et travailleuses de ces maisons voient aussi leurs pratiques être chamboulées par de nouvelles règles. Leurs interventions se font autour d’une approche globale, d’une visée d’affiliation sociale et du développement du pouvoir d’agir, alors que les mesures prises pour limiter la propagation de la CoVid-19 ont grandement changé les façons de faire. Une intervenante nous disait que « c’est difficile de trouver l’équilibre, de [ne] pas créer d’injustices et d’incohérences ». Les critères d’admission, la gestion de la consommation, les différents suivis psychosociales, la concertation et plus encore sont autant de leviers d’intervention touchés par cette crise et qui nous force à composer avec un monde d’inconnu.
En cette période où une partie du Québec est sur pause, nous aimerions que tous et toutes voient la créativité, la résilience et le dévouement dont vous, le personnel des Auberges du cœur et des ressources d’hébergement communautaires en générale, faites preuve au quotidien. Que l’on vous entende nous dire que vous ne souhaitez pas changer d’emploi, mais simplement être reconnu.e.s et payé.e.s de façon décente. Que l’on vous croit lorsque vous exprimez votre sentiment de laissé pour compte, temps de crise ou non. Nous aimerions que vous sachiez que ce n’est pas seulement votre travail qui est essentiel, vous l’êtes tout autant!
- L’équipe du Regroupement des Auberges du cœur du Québec
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec représente une trentaine de maisons d’hébergement communautaires pour jeunes en difficulté et sans abri ou à risque de le devenir réparties dans dix régions du Québec. Les Auberges du cœur hébergent et soutiennent chaque année 3500 jeunes âgé.e.s entre 12 et 35 ans et doivent en refuser autant, généralement faute de places. Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des besoins des jeunes itinérant.e.s ou à risque de le devenir pour le type d’hébergement et de soutien que nous offrons considérant les territoires où de telles ressources sont inexistantes. Au total, les Auberges du cœur offrent plus de 300 lits en maison d’hébergement et plus de 150 autres places en appartements supervisés ou logements sociaux.